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Monique Giroud

Présidente depuis 2008 de l’ADTC Grenoble (Association pour le développement des transports en commun, voies cyclables et piétonnes de la région grenobloise). Présidente de la FUBicy de 2002 à 2007. « Cycliste militante depuis 1989. Cycliste quotidienne depuis 1980, à part une interruption lors d’un séjour aux USA. Cyclotouriste depuis un peu plus longtemps, mais moins assidûment. Possède une voiture, une carte SNCF Fréquence France entière, et 4 vélos (voiture : 2 000 km/an, vélo : 5 000 km/an, train : 10 000 km/an) ». Bilan carbone personnel compatible Kyoto +. Enseigne la physique à l’université de Grenoble.


  • De quand date votre engagement en faveur du vélo ?

Je suis devenue militante à mon retour des Etats-Unis, il y a vingt ans. J’y avais vécu un peu plus d’un an, pour mon premier job, et là-bas, j’étais captive de la voiture. À mon retour en France, j’ai tout fait pour ne jamais retomber dans cette dépendance : à court terme, par mes choix personnels (domicile à portée de vélo ou de tram de mon travail, et à proximité d’une gare), mais aussi à plus long terme en militant pour les alternatives à la voiture. Sinon, pour l’anecdote, une fois rentrée en France avec cette motivation, ce qui m’a conduit à l’ADTC, c’est un giratoire surdimensionné affublé d’un aménagement dit cyclable, mais connu comme “hachoir à cyclistes“, créé pendant mon séjour aux USA sur un de mes trajets habituels. J’ai pesté à la cafétéria du laboratoire et une collègue m’a orientée rapidement vers l’association locale…

  • Vous êtes physicienne de métier. Philosophiquement, en tant que mode de déplacement, le vélo tient-il davantage de la science exacte ou des sciences humaines ?

Les deux. Argumenter en faveur du vélo tient de la science exacte dès lors que vous vous efforcez
d’être un tant soit peu pragmatique. Objectivement, le vélo reste, de tous les modes de déplacement, celui qui a le meilleur rapport qualité/coût, aussi bien pour l’usager que pour la collectivité. Idem si vous vous référez à l’impact sur la santé, sur l’environnement, ou même à la sécurité routière. Tout cela a déjà été mesuré, quantifié, et logiquement, le vélo devrait être une solution qui s’impose et se développe massivement pour “les premiers kilomètres“. Et pourtant, bien souvent, les arguments scientifiques ne suffisent pas à “créer le déclic“. Là, on rentre dans le domaine des sciences humaines. Il faut peut-être agir au niveau psychologique pour amener les décideurs à surmonter des préjugés ou des réflexes dépassés, mais encore bien ancrés. Ceci vaut autant pour les “décideurs“ au sens usuel – aménageurs, élus ou fonctionnaires – que pour chaque personne qui pourrait décider de prendre un vélo plutôt que de faire démarrer sa voiture.

  • La cause du vélo, c’est un combat “contre“ ou un combat “pour“ ?

Les deux, une fois encore. C’est un combat positif dans le sens ou il s’agit d’oeuvrer en faveur d’une meilleure qualité de vie, d’une meilleure santé, d’un meilleur environnement, des économies d’énergie. Mais c’est aussi – nécessairement – un combat contre la voiture. L’espace urbain est contraint, la voiture occupe trop de place par rapport au service qu’elle rend réellement en ville. Il faut redistribuer l’espace et apaiser le trafic. Éluder cet aspect-là, c’est se condamner à ne pas dépasser le stade des mesurettes, certes positives, mais insuffisantes.

  • Y’a-t-il un risque de trop en faire en faveur du vélo ? Quels sont les écueils à éviter ?

Rassurez-vous, nous sommes loin de ce dilemme-là ! Nous avons une grosse marge de progression par rapport à des pays comme les Pays-Bas, le Danemark,Certains centres historiques du nord de l’Italie… Non vraiment, je ne vois pas trop les inconvénients qu’aurait un excès de vélos… Le seul effet pervers qu’il m’est arrivé de remarquer, c’est lorsque le vélo, devenant plus visible, est perçu comme un concurrent aux transports en commun. Raisonner ainsi, c’est se fourvoyer. Ces deux modes de déplacement sont parfaitement complémentaires, et cette complémentarité a tout intérêt à être développée. Dans l’intérêt du vélo, mais aussi dans l’intérêt des transports en commun.

  • Justement, passer de la présidence de la FUBicy à celle de l’ADTC Grenoble signifierait-il
    que la cause de l’intermodalité serait l’étape suivante logique pour qui s’engage un jour en faveur du vélo ?

Oui. Je suis convaincue que l’intermodalité vélo et transports en commun a un très fort potentiel de développement, plus que le vélo seul ou les transports en commun seuls. Reste néanmoins qu’il est plus facile d’attirer vers les solutions intermodales un usager qui a déjà un minimum de familiarité avec le vélo ou les transports en commun… Au-delà de cet enjeu, nous avons également intérêt à raisonner global pour le partage de la voirie. C’est trop facile sinon d’opposer piétons, cyclistes et usagers des transports en commun en leur demandant de se partager… ce qui reste après avoir servi la voiture !… Ceci dit, le détail de mon cursus doit aussi un peu au hasard : pendant la courte période où j’étais à la fois vice-présidente de l’ADTC et vice-présidente de la FUBicy, mon prédécesseur à la FUBicy s’est débrouillé pour me passer le relais avant mon prédécesseur à l’ADTC… Avec le recul, je suis contente d’avoir fait l’itinéraire dans ce sens. Je connais vraiment bien la problématique “vélo“, et maintenant je la complète en m’intéressant de plus près aux transports en commun, un domaine où les projets de développement sont généralement plus lourds et plus complexes.

  • Œuvrer pour le vélo en tant que femme donne-t-il un poids différent aux arguments ?

Je ne m’étais pas posé la question. J’ai l’habitude, du fait de mon orientation professionnelle, d’évoluer depuis le lycée dans un milieu majoritairement masculin, sans que cela m’ait pesé. Mais peut-être que, oui, d’une certaine façon, c’est un avantage. Quand on se présente comme cycliste au féminin, nos interlocuteurs nous classent moins spontanément dans la catégorie “sportif“. Et c’est très bien de sortir du cliché “cycliste = sportif“ ! Le vélo n’est pas réservé une élite jeune et musclée. C’est aussi plus facile de démonter les prétextes du genre « mais maintenant, avec un gosse, je suis obligé de prendre la voiture ». Non, on peut très bien se débrouiller à vélo, d’ailleurs, les gamins adorent ça !

Propos recueillis par Anthony Diao

Vélo & Territoires, la revue