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Thierry Frémaux

À cinquante ans, Thierry Frémaux a déjà vécu mille vies. Professeur de judo (il fut vice-champion de France universitaire des moins de 68 kg), étu-diant en thèse d’histoire sociale du cinéma, il résida de 1973 à 2004 aux Minguettes de Vénis-sieux, ville qu’il quittera à regret pour se rapprocher de la gare. Bourreau de travail, à la fois directeur de l’Institut Lumière à Lyon et délégué général du Festival de Cannes, il est de ceux qui aimeraient que les journées durent trente heures. Capable de visionner jusqu’à douze films par jour dans la dernière ligne droite d’une sélection à boucler, celui qui sera également dans quelques semaines à la tête de la 2ème édition du Festival Lumière www.lumiere2010.org est aussi un cycliste averti. Il nous parle ici de sa pratique du vélo…

  • Depuis quand vous déplacez-vous à vélo ?

Depuis toujours mais ça s’est accéléré depuis que les Vélo’V et Vélib’ ont désinhibé la politique publique à l’égard des cyclistes. Du coup, le regard a changé, on ne passe plus pour des hurluberlus. Tout ça semble naturel, et même souhaitable.

  • Pour quelles raisons ?

Je me déplace ainsi à la fois par plaisir (j’adore le geste sportif qu’implique le vélo, poser les mains sur les cocottes et mouliner contre le vent), par conviction (écologique mais pas seulement), et par efficacité : la pratique du vélo a changé ma vie urbaine. Je vis à la fois à Lyon et à Paris et, à chaque fois, je me félicite de la façon dont le vélo nous exonère de pas mal de soucis quoti-diens (comment se garer, trouver une place, payer le parcmètre, attendre dans les embouteillages, etc.). Et aussi de ce que cela procure, ce sentiment de liberté, de vitesse, d’efficacité.

  • Quelle distance parcourez-vous en moyenne ?

À Paris, c’est jamais moins de 20 km par jour : 8 km aller-retour maison-boulot, et ici et là entre 3 et 8 km pour des rendez-vous. C’est du vélo urbain, nerveux, rapide, dangereux souvent, mais c’est du vélo.

  • Quel type de vélo utilisez-vous ?

J’utilise mes anciens vélos de route que j’ai transformés en vélos de ville. Je ne roule pas en Vélo’V ou Vélib’ mais sur mon propre matériel. Ce sont des vélos sur lesquels je me sens bien, que j’ai fait régler. J’en ai six en tout ! Même si c’est en ville et sur des distances courtes, je veux ressentir les mêmes sensations que lors de la sortie du dimanche matin.

  • Devez-vous vous changer en arrivant sur votre lieu de travail ?

Non, je ne peux pas. Je fais donc attention à ne pas arriver en transpirant en réunion ! C’est un art aussi, ça,de ne pas se laisser griser, ne pas vouloir courser celui qui est devant, etc.

Faites-vous figure d’iconoclaste dans le milieu professionnel dans lequel vous évoluez ? Avez-vous fait des émules ?

Apprendre que le directeur du Festival de Cannes, qui a l’habitude des voitures avec chauffeur sur la Croisette, circule à vélo par tous les temps, ça en surprend plus d’un, oui. Mais je n’ai pas fait d’émules qui n’étaient déjà convaincus. Le vélo, c’est une affaire intime et personnelle. Pour moi, elle vient de l’enfance, sans doute. Il y a quelque chose d’une innocence qui me revient lorsque, le nez au vent, je descends à vélo les Champs-Elysées à Paris ou le cours Gambetta à Lyon.

  • Quel regard portez-vous sur l’évolution des aménagements cyclables de ces dernières années ? Quid du comportement des usagers ?

Evidemment, il y a des progrès. Dans l’ensemble, les voitures font plus attention. Mais il y a des abrutis partout : chez les automobilistes, les taxis, les motards, certains flics aussi, qui souvent
ne tiennent compte de rien de spécifique au vélo… Mais on trouve aussi beaucoup d’incapables chez les cyclistes !

  • Si vous deviez conseiller un ami qui hésite entre l’achat d’une voiture ou d’un vélo, quels arguments utiliseriez-vous ?

Je lui dirais que le vélo est l’activité et le sport de l’avenir des hommes. C’est bon pour la ligne, pour le cœur et pour la planète. Je lui dirais que les histoires de vélo, et pas seulement celles du Tour de France, sont de belles histoires d’hommes (et de femmes).

  • Il y a eu un blockbuster “Taxi“. Quels ingrédients faudrait-il pour qu’un blockbuster “Vélo“ cartonne ? Le moment est-il venu ou est-ce encore trop tôt ?

Aux scénaristes de l’inventer mais l’histoire du vélo fourmille de trames qui pourraient faire d’excellents films. Daniel Day Lewis et Paul Thomas Anderson partagent aussi la passion du vélo (Daniel est un féru de matériel et roule souvent sur les routes d’Irlande), et nous avons eu de longues conversations sur le sujet. Mais ce n’est pas si facile car le sport, qui est un extraordinaire pourvoyeur d’histoires dans la vraie vie, n’est pas toujours performant à l’écran.

Propos recueillis par Anthony Diao

Vélo & Territoires, la revue