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Geneviève Laferrère

Ingénieur en travaux publics de l’Etat, Geneviève Laferrère aura travaillé trente ans pour le ministère du Développement durable – ou appellations équivalentes -, avec l’urbanisme et la politique de la ville en fils conducteurs. Arrivée au CERTU en 1998, elle y rédigera plusieurs guides techniques de recommandations pour les aménagements cyclables. Détachée pendant trois ans à la Région Île-de-France dans l’opérationnel – « j’ai testé mes guides », sourit- elle aujourd’hui -, elle revient à Lyon en 2008 pour travailler sur les questions de logement social. Militante de La Ville à vélo, elle est devenue présidente de la FUBicy en avril 2011.


  • Vous venez d’être élue à la présidence de la FUBicy. Quel est votre programme ?

La FUBicy mène un travail de lobbying au niveau national. A ce titre, nos principaux axes de travail sont au nombre de trois. D’abord, généraliser les baisses de vitesse en centreville. Ensuite, développer un fichier national antivol, avec un système de marquage des vélos. Enfin, tordre le cou aux idées reçues en matière d’accidentologie car, contrairement à ce que beaucoup croient, plus il y a de vélos, moins il y a d’accidents… À côté de cela, nous poursuivons bien entendu des chantiers cruciaux comme celui de la question du stationnement, du vélo-école ou de l’intermodalité. Il faut en effet être réaliste : au-delà de trois kilomètres de distance, la combinaison  avec un transport public lourd (métro, RER, train) est 100 % gagnante en termes de vitesse et d’économie.

  • À quand remonte votre déclic vélo ?

Lorsque je suis rentrée en 6e, mon collège était suffisamment éloigné de mon domicile pour que mes parents m’offrent un beau vélo turquoise… Ensuite, à 18 ans, j’ai eu la même ambition que tout un chacun de ma génération à cet âge : j’ai voulu une voiture ! Ce n’est que plus tard, à 23 ans, que je suis revenue au vélo.

  • Comment ?

En rencontrant mon mari ! Il était ingénieur en écologie, il a su me convaincre…

  • C’est ainsi que, de fil en aiguille, vous êtes arrivée au CERTU…

Oui et non. En réalité, lorsque j’ai postulé au CERTU, c’était d’abord pour un poste dans le domaine  de l’habitat. Il s’est avéré que ce poste n’était pas le plus urgent à pourvoir. Le plus urgent, c’était un poste dans le domaine du vélo. « Oh, moi, à part me déplacer à vélo, je n’y connais pas grand-chose ! » ai-je alors dit, en toute sincérité. « Eh bien c’est parfait ! » m’a-t-il alors été répondu… À ma connaissance, c’était la première fois que, sur un profil de poste, la pratique primait sur les compétences. En matière de vélo, je crois pouvoir affirmer aujourd’hui que ce critère a son importance.

  • Quand, selon vous, l’homo urbanicus est-il sorti de sa Préhistoire ?

Je dirais au tournant des années 2000, concomitamment à la saturation du réseau routier et à la hausse du prix du carburant. La génération de nos enfants est tout de même la première à n’avoir connu que la civilisation du minéral. Nous autres, qui avons connu l’après 1968, avons longtemps vécu dans cette espérance de bâtir une ville mâtinée de campagne. Aujourd’hui que reste-t-il de ce rêve ? Du minéral, du minéral et encore du minéral… Depuis quelques années, les gens voient bien que ce modèle ne fonctionne pas. Ils se posent des questions. La réaction est même épidermique, organique – je pense aux allergies qui vont crescendo, aux tensions relatives aux places de stationnement lorsqu’un nouveau quartier se construit… D’où le succès des AMAP [Associations de maintien de l’agriculture paysanne, NDLR], et le procès latent qu’intente à notre génération celle de nos enfants, pour avoir été si peu conséquents. Nous sommes quand même
ce pan de l’humanité qui a vu le nuage de Tchernobyl s’arrêter à ses frontières, et qui s’en est contentée !

  • Si la cause vélo était un combat, faudrait-il commencer par désarmer l’automobiliste ou armer le cycliste ?

Je ne crois pas opportun de jouer la carte du contre. Cliver, ça durcit les uns, ça marginalise les autres et surtout ça n’aide pas à avancer. Je crois plus simple de partir des gens, de l’humain et des  comportements, et de bâtir à partir de là. Chercher le positif, s’appuyer sur ce qui marche. Quelle est la grande caractéristique de l’époque ? Le zapping ? Alors jouons sur le zapping ! Favorisons le choix, l’essai, et laissons les gens se forger leur opinion. C’est ce que permettent les vélos en libre service. C’est comme le chocolat : goûtez, et vous verrez… En matière de déplacements, le critère aujourd’hui n’est plus la distance, mais le temps. Demandez aux gens combien il y a entre Lyon et Paris. Ils ne vous répondront pas en kilomètres, ils vous répondront : « En TGV, c’est deux heures ». Ce constat posé, à nous d’être pragmatiques et inventifs. Les embouteillages, à vélo ? Connais pas !

  • Vous avez porté des casquettes très différentes au fil de votre parcours. En quoi vous ont-elles permis d’affiner votre vision des enjeux vélo ?

L’important n’est pas le vélo mais le cycliste qui est dessus. S’il y a bien une chose que j’ai apprise, c’est celle-là… Alors effectivement j’ai porté plusieurs casquettes, mais avec un dénomina-teur commun : la ville. Comment lier les questions d’urbanisme et de déplacement ? C’est un enjeu capital dès lors que nous parlons politique cyclable. J’ai eu la chance d’avoir travaillé sur les deux aspects séparément. Il reste à présent à les faire œuvrer ensemble. C’est un chantier qui prend du temps, mais dont la nécessité est de mieux en mieux perçue.

  • Sommes-nous entrés dans un cercle vertueux ? Si oui, comment le consolider ?

Je suis d’une nature optimiste, de celle qui voit le verre à moitié plein. Pendant longtemps, les pionniers ont eu l’impression de prêcher dans le désert. Aujourd’hui, les clignotants sont allumés, c’est le moment de mettre le paquet. A nous de nous fédérer, car pour le grand public, l’important ce sont les thèmes, pas ceux qui les portent. Je crois par exemple en la professionnalisation des
associations. L’important n’est pas de formuler des idées utiles, l’important est que celles-ci soient entendues, et entendues par les bonnes personnes… Il y a une transversalité à construire, une table autour de laquelle se réunir. L’enjeu vélo n’est donc désormais plus seulement spatial, il est aussi social.

Propos recueillis par Anthony Diao

Vélo & Territoires, la revue