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L’Alsace à vélo – La vitesse supérieure

Extrait de Vélo & Territoires 36

Forte de son leadership de fait au niveau national en matière cyclable, l’Alsace enfonce le clou en se structurant encore davantage. Explications.

En avril 2011, Vélo & Territoires n°24 consacrait un dossier à la politique cyclable du conseil général du Bas-Rhin. Christian Weissgerber, alors en charge du Plan vélo au sein de l’unité Aménagement routier du CG67, concluait son témoignage par ces mots : « Comme a coutume de le dire Bernard Schneider [alors à la tête de la direction départe-mentale des Routes, des Transports et des Déplacements, NDLR], il ne suffit pas d’ouvrir des pistes cyclables pour voir affluer les cyclistes. Le système vélo doit convaincre par son côté pratique. »
La sentence n’est pas restée un vœu pieu. À cette époque déjà, une étude de positionne-ment touristique était dans les tuyaux. Elle avait été initiée quelques mois plus tôt par l’État, la Région Alsace et les conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Elle s’inscrivait dans le cadre de la Stratégie commune de développement du tourisme en Alsace pour la période 2012-2014. Son échelle était non plus seulement départementale, mais régionale, voire européenne, le
passage combiné sur le territoire alsacien de quelque 330 km de l’EV6, de l’EV15 et de l’EV5 rendant incontournable la prise en compte de cette dimension.

Locomotive. Deux points sont ressortis de cette étude. D’abord, le constat selon lequel le territoire alsacien, locomotive dont la réputation n’est plus à faire au niveau hexagonal, était « bon sur les infrastructures, mais avec encore tout à faire en matière de promotion ». Ensuite, la préconisation d’un plan d’action portant sur la mise en tourisme des infrastructures existantes sur l’ensemble du territoire alsacien. Ce projet de partenariat est intitulé “Alsace à vélo” et le département du Bas-Rhin se propose d’en assurer la coordination.

Pilotage. Le plan proprement dit recouvre quatre aspects – infrastructures, services, communication et promotion, et enfin évaluation. Il mobilise pas moins de dix partenaires : l’État (par l’entremise de la direction régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi), la Région Alsace, les conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, les communautés urbaines ou d’agglomération de Stras-bourg, Colmar et Mulhouse, les comité et observatoire régionaux du Tourisme d’Alsace, et enfin les agences de développe-ment touristique du Bas-Rhin et de Haute-Alsace. La gouver-nance est assurée par un comité de pilotage – présidé par le conseil général du Bas-Rhin représenté par Alfred Becker, vice-président –, mais aussi un comité technique, deux comités d’itinéraires (celui de la Véloroute Rhin et celui de la véloroute Vignobles d’Alsace) et enfin un coordinateur, en la personne de Stéphanie Leibel-Thépot, chef de  projet Tourisme à la direction du Développement économique, territorial et international au sein du CG67. « Notre spécificité est de mobiliser deux techniciens par partenaire, souligne Stéphanie Leibel-Thépot. L’un est issu de la branche infrastructures, l’autre du tourisme. Cela permet de créer du dialogue entre les deux directions. » Autre enjeu de taille : le dépassement des identités et des chartes graphiques locales pour « tous se regrouper derrière la bannière Alsace », selon l’expression d’Alfred Becker.

Chiffres. Rien de tel pour fixer un cap que de s’appuyer sur des chiffres fiables. Tel était l’objet de l’étude de fréquentation et de retombées économiques des EuroVéloroutes n°5 et n°15 en Alsace, effectuée auprès de quelque 3 000 sondés entre avril et octobre 2013 par Inddigo-Altermodal et Symetris pour le compte de l’observatoire régional du Tourisme d’Alsace, dans le cadre du point 4 du plan d’action. Cette vaste enquête a fait ressortir plusieurs données particulièrement parlantes. 45 mil-lions de km sont ainsi parcourus chaque année à vélo sur ces deux itinéraires ; 1,5 million de personnes ont emprunté l’EV5 et l’EV15 en 2013, dont 75 % de touristes étrangers. 10,7 millions d’euros de retombées économiques annuelles ont ainsi été générées, soit 24 000 euros de retom-bées par km et 105 euros de dépenses par jour et par personne. « Les touristes représentent 3,2 millions de km parcourus, soit moins de 10 % des flux enregistrés, mais 50 % des retombées économiques », relève aussi l’enquête.

Dynamique. Succès des Slow Up de juin 2013 et 2014, implantation du réseau Movelo en Alsace, lancement d’un site Internet trilingue, inaugu-ration en mai 2014 de la Véloroute du Vignoble, création d’une cinquan-taine de boucles locales d’ici la fin 2014, travail sur le référentiel Accueil Vélo, lancement d’une appli mobile, réalisation de kakemonos, installation de RIS au niveau des gares en 2015, implication dans le projet franco-germano-suisse de tourisme Upper Rhine… Même en l’absence de budget propre, la dynamique est amorcée au rythme « chronophage mais nécessaire pour garder la pression » (dixit Stéphanie Leibel-Thépot) d’une centaine de réunions par an pour les techniciens. Se reposer sur ses lauriers ? Ce n’est pas le genre de la maison. De l’avantage d’être entouré de voisins stimulants comme la Suisse, l’Allemagne ou les Pays-Bas…

Trois questions à Alfred Becker

Vice-président du CG67 en charge du pôle Aménagement du territoire, président du comité de pilotage de L’Alsace à vélo

• Quels enjeux représente l’Alsace à vélo ?
Nous sommes partis des objectifs fixés au niveau européen par l’ECF. Ces objectifs portaient sur l’aménagement, les itinéraires et la fréquentation. Or, dans notre région, il y avait un potentiel exceptionnel basé sur les gros investissements déjà réalisés ainsi que sur une pratique importante. L’étape suivante consistait à mettre en ordre de marche l’ensemble des acteurs, qu’il y ait une cohérence entre voisins. Tous derrière le drapeau Alsace ! Dix autorités étaient appelées à travailler ensemble. Il importait donc de développer une vision partagée, une cohérence, une méthode, le tout dans une démarche globale de notoriété pour vendre notre région.

• Sur quel point en particulier comptez-vous mettre l’accent ?
La marque Alsace est une vitrine importante. L’Alsace est la première région cyclable de France. Les gens viennent pour l’Alsace davantage que pour les seuls Bas-Rhin ou Haut-Rhin. Notre stratégie est donc de devenir le premier choix, d’autant que nos voisins allemands et suisses ont un pouvoir d’achat élevé… Ça c’est pour le principe. Il est généreux. Maintenant, il est important de mettre nos actes en accord avec notre discours. L’un des grands enjeux pour nous est de proposer des services. Nous avons sur ce point une bonne marge de progression, au niveau des points d’eau, des toilettes, de la diversité d’hébergement, des possibilités de sécher ses vêtements, des parkings sécurisés…

• Quid de la suite au moment où se profile la perspective d’une réforme territoriale ?
Le temps et les moyens plus justes imposent des choix. Nous sommes en outre actuellement dans un bouillonnement de réformes territoriales. Pour l’heure, nous poursuivons avec détermi-nation notre feuille de route en attendant d’avoir des indications plus concrètes sur ce maelström de redécoupage annoncé. Le parcours cyclable relèvera-t-il de la Région en 2017 ? L’année 2015 s’annonce importante pour se repositionner sur ces questions. Pour l’heure, je réside ce comité de pilotage avec un seul objectif : continuer à avancer. Il m’arrive également d’aller porter la bonne parole lors de réunions ici et là. Je le fais de bonne grâce car je pratique le cyclotourisme donc je prêche aussi pour ma paroisse ! Je trouve important que les élus soient présents et qu’ils ne comptent pas leur temps. L’Alsace à vélo représente un véritable enjeu de développement, en particulier sur la question du qui fera quoi. C’est aussi comme cela que raisonne Stéphanie Leibel-Thépot, notre coordinatrice. Elle est de ces personnes qui se lèvent tous les matins avec la conviction de pouvoir faire quelque chose pour L’Alsace à vélo. Partant de là, ce beau projet ne peut pas ne pas avancer.

 

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