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Le Canal des 2 Mers à vélo – Une voie presque navigable

En 2009, celle qui s‘appelait encore la V80 faisait l’objet d’un dossier dans Vélo & Territoires [n° 19]. Séduisant dans son esprit comme dans ses à-côtés, le projet achoppait cependant dans sa portion languedocienne, le statut juridique complexe et protégé des rives du canal du Midi contraignant notamment les parte-naires audois et héraultais à la patience voire à l’immobi-lisme. Qu’en est-il six ans plus tard du Canal des 2 Mers à vélo ?

Tourisme fluvial, gastronomique, œnotourisme, sites Unesco, dessertes ferroviaires bien réparties : les atouts potentiels du Canal des 2 Mers à vélo ne sont plus à démontrer. De l’estuaire de la Gironde – le plus vaste d’Europe – aux confins de l’étang de Thau, en passant par les vignobles du Bordelais, la cité classée de Carcassonne ou les canaux de la Garonne et du Midi, ce sont en tout 1,7 million de personnes résidant à moins de 5 km qui sont susceptibles d’emprunter cet itinéraire dans une démarche utilitaire, de loisir ou de mobilité. Sur environ 680 km, la V80 relie l’Atlantique à la Méditerranée, le tout en complémen-tarité de trois EuroVelo emblématiques : l’EuroVelo 1 / La Vélodyssée, l’EuroVelo 3 et l’EuroVelo 8 / Véloroute de la Méditerranée.

Comité. La première évolution notable des six dernières années tient à la constitution d’un comité d’itinéraire. Jusqu’alors la concer-tation demeurait à l’état de vœu pieu, chacun des partenaires avançant à son rythme et en fonction de ses contraintes propres. Il aura fallu attendre le 26 novembre 2012 et une fruc-tueuse réunion préliminaire à Montauban pour que soit franchi ce palier décisif, encouragé par les DRC et le Réseau national des destinations départementales (Rn2d). « Ce comité a ensuite été contractualisé et effectivement lancé en 2013 puis, en 2014, nous avons pu mettre en place les comités techniques, plancher sur l’identité marketing de l’itinéraire et travailler avec France Vélo Tourisme sur la création de supports numériques », énumère Catherine Sciberras, directrice de l’Agence de développement touristique du Tarn-et-Garonne, pilote de l’itinéraire, sur le territoire duquel les compteurs affichent 40 000 passages de cyclistes par an. Les partenaires de ce qui s’appelle désormais officiellement le Canal des 2 Mers à vélo, de l’Atlantique à la Méditerranée, se sont engagés sur un programme triennal qui court jusqu’en 2016. Les efforts portent moins sur l’aménagement que sur la communication, et les expériences de l’EuroVelo 6 et de La Vélodyssée sont des références précieuses pour un itinéraire qui entend, à terme, s’intégrer dans une dimen-sion européenne. Si la Fête du vélo des 6 et 7 juin 2015 devrait marquer le lancement effectif et l’affirmation de l’identité marketing, deux secteurs restent toutefois loin d’être des longs fleuves tranquilles. Il s’agit des deux extrémités du parcours : les territoires languedociens au sud-est et l’estuaire de la Gironde au nord-ouest.

Estuaire de la Gironde. Au point de longue date sur sa partie infrastructure, le secteur aquitain travaille aujourd’hui sur les problématiques de charte graphique, d’Accueil Vélo© et de mise en tourisme. Tout n’est cependant pas complè-tement tranché en ce qui concerne la remontée entre Bordeaux et l’estuaire de la Gironde, une région viticole où le prix du foncier rend les acquisitions difficiles. Faut-il franchir la Dordogne à Saint-André-de-Cubzac ou emprunter le bac à Blaye ? Tracer tout droit dans les immenses lignes droites bordées de conifères qui relient Bordeaux à Lacanau puis Lacanau à Royan ? Pour provisoire qu’il est en raison de la fragilité du contexte pré-électoral dans lequel il s’est tenu, le comité technique du 19 mars 2015 permet toutefois d’y voir plus clair, ainsi que le détaille Isabelle Prevost de la région Aquitaine, un doigt sur sa carte IGN : « La solution envisagée pour l’instant serait la suivante : si vous arrivez d’Agen, vous remontez la piste Roger-Lapébie en direction de Bordeaux-Lacanau. Une fois que vous avez franchi la Garonne, vous coupez dans le Médoc en direction de Blanquefort, puis Margaux, puis Blaye, avant de rejoindre Vitrezay en Charente-Maritime… C’est une proposi-tion locale qui reste à affiner avant d’être transmise à France Vélo Tourisme. » Un enjeu en soi éga-lement pour les voisins de Charente-Maritime, nouveaux venus au casting par rapport aux collec-tivités concernées en 2009, mais dont le dynamisme et l’expérience ont constitué un apport ap-précié des autres interlocuteurs, le conseil départemental de la Gironde en tête, tant en matière de partenariats avec des communautés d’agglomération que d’itinéraires d’intérêt européen ou national (La Vélodyssée, l’EuroVelo 3, la Vélo Francette…). « Il nous reste une vingtaine de kilomè-tres à aménager, explique Géraldine Poussin du CD 17. Nous avons pris du retard en 2014 en raison des intempéries, aussi nous espérons être opérationnels fin 2015, début 2016. »

Contexte audois. Premier département fluvial de France et doté d’un schéma directeur cyclable depuis 2012, le conseil départemental de l’Aude doit composer avec la dimension XXL du canal du Midi, inscrit depuis 1996 au Patrimoine mondial de l’Unesco, classé depuis 1997 au titre de la loi française sur les Grands Sites et dont maints ouvrages, ponts, écluses et bâtiments d’exploitation sont classés ou inscrits au titre des Monuments historiques. Cette façade de prestige masque un quotidien complexe en termes de gestion et de signalétique, puisque l’entretien des 360 km du canal implique au total trois régions, six départements et de nombreuses collectivités locales. À ceci s’ajoute la spécificité des prérogatives de Voies navigables de France (VNF), telles que rapportées dès 2003 dans un rapport de l’Inspection générale de l’architecture et du patrimoine. Triple garant pour le compte de l’État de l’exploitation, de la remise en état et de l’entretien du canal, VNF doit ici tenir compte « du passage d’une économie de transport à une économie plus touristique induisant un coût élevé de maintenance des ouvrages ». Cerise sur le gâteau, la maladie du chancre coloré, du nom de ce champignon capable de bloquer les canaux de sève d’un arbre en moins de cinq ans, a été identifiée dans l’Aude en 2006 et s’est propagée en Haute-Garonne à l’automne 2014. Elle a conduit ces dernières années à l’abattage et à l’incinération en grande partie prophylactique de plus de 10 000 des 42 000 platanes longeant le parcours. « Cette épidémie représente un coût important pour VNF, qui affecte ses autres postes de dépenses. De plus il y a une saisonnalité à respecter en matière d’abattage et de replantation, ce qui complexifie encore la situation », constate Caroline Combis, du pôle Promotion d’Aude Tourisme.

Perspectives audoises. Des négociations ont été entamées avec VNF et la Préfecture afin de permettre au projet du Canal des 2 Mers à vélo de continuer à avancer malgré ces vents contraires. Le 20 avril 2015, la nouvelle équipe départementale a arbitré en faveur de la continuité de participation au comité d’itinéraire. Au plan local, une réunion CD 11 – VNF était fixée au 30 avril [soit après la rédaction de ces lignes, NDLR] pour discuter des modalités de mise en oeuvre d’un itinéraire provisoire incluant la rigole d’alimentation et le canal de la Robine, l’objectif étant d’être prêt pour le lancement, calé au 6 juin 2015. « Nous allons discuter sécurisation, études d’impact et autres dossiers réglementaires », liste Pascal Roca, adjoint au chef de service Missions environ-nementales à la direction Développement, Environnement et Territoires du Département de l’Aude. L’enjeu ? Arriver aux fameuses conventions de superposition d’affectation et à l’officialisation des passages – ceux-ci étant jusqu’ici soumis à autorisation préalable –, deux étapes incontour-nables dans la perspective, à plus long terme, d’un itinéraire définitif. « Nous avons fait un effort en acceptant l’idée du provisoire, poursuit le technicien. Nous avons également sécurisé une trentaine de traversées sur le parcours, reste à voir à présent qui sécurisera les cyclistes sur les chemins de halage… » Et, puisque l’épidémie de chancre coloré semble loin d’être maîtrisée,
« soit nous en avons pour vingt ans à attendre que tous les platanes soient abattus et que d’autres soient replantés, soit nous entamons un phasage par tronçons. » Tel qu’il a été validé par la DREAL, l’itinéraire définitif emprunterait en effet indistinctement « le cavalier, les chemins de halage et de contre-halage, et les itinéraires secondaires ». Une avancée vaille que vaille qui reporte loin dans le temps la qualification de voie verte, mais une avancée à resituer au regard des deux autres axes structurants du département : celui reliant, par l’ancienne voix ferrée de Bram à Moulin Neuf, le canal du Midi à la voie verte Mirepoix-Lavelanet dans l’Ariège des châteaux cathares, et l’EuroVelo 8.

Vers l’Hérault. S’agissant enfin du voisin héraultais, doublement impliqué dans les comités d’itinéraire du Canal des 2 Mers à vélo et de la ViaRhôna, les difficultés restent sensi-blement les mêmes, ainsi que le détaille Eric Melin, chef de la mission Aménage-ments cyclables au CD 34 : « Les études sont en cours. La difficulté majeure reste la création de la voie en rive du canal du Midi. Nous avons participé techniquement et financièrement à une étude pilotée par la DREAL, laquelle a permis de proposer un tracé qui utiliserait majoritairement le cavalier. Les 55 km restant à réaliser sur notre territoire nécessitent une programmation pluriannuelle et un budget à répartir sur plusieurs années, en sollicitant les EPCI. »

Anthony Diao

Pour en savoir plus sur le Canal des 2 Mers à vélo : www.canaldes2mersavelo.com

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