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Le Ministère se dégonfle sur le vélo

Schéma d’utilité publique cherche ministère du développement durable

La dernière semaine de l’année 2016, le Ministère de l’Environnement notifie l’arrêt de sa subvention aux Départements & Régions Cyclables (DRC), mettant fin sans préavis, pour des actions presqu’arrivées à leur terme, à un partenariat de 10 ans. Par cette décision, le ministère signe l’arrêt de toute coordination du schéma national des véloroutes et voies vertes initié en 1998. La Ministre de l’Environnement Ségolène Royal a arbitré : trois associations nationales ont obtenu leur subvention (FUB, l’Heureux-Cyclage, le CVTC), trois ne l’ont pas (France Vélo Tourisme, l’AF3V et les DRC). Le prétexte ? Le ministère considère que ce n’est « que du tourisme » et ne veut « que de l’action innovante ». Qu’est-ce à dire ? Que les collectivités adhérentes des DRC doivent désormais assumer cette mission d’intérêt général sans soutien de l’Etat ? Sur le fond comme sur la forme, les DRC font appel de cette décision qu’ils estiment arbitraire et sans préavis.

Projet de subvention triennale début 2016

Janvier 2016. Fort de l’importance des actions conduites par les DRC, la coordination interministérielle pour le développement de la marche et du vélo suggère de passer à une subvention triennale. L’appui pluriannuel n’est certes pas dans l’air du temps, mais pour conduire les travaux ambitieux (révision du schéma national, animation d’une coordination structurée, alimentation en donnée géographique des opérateurs locaux, nationaux et européens, création d’indicateurs, …), « les DRC doivent pouvoir travailler sur la durée », estime Sylvie Banoun, coordinatrice interministérielle pour le développement de la marche et de l’usage du vélo. Un projet est donc établi et déposé en ce sens au premier trimestre.

Silence du Ministère de l’Environnement

Les DRC sont coutumiers des notifications très tardives de leur subvention ministérielle. Ce n’est donc qu’après relances que, début décembre 2016, les six associations vélo nationales suspendues à l’octroi de leur subvention, interpellent Ségolène Royal par une lettre ouverte. Trois associations finissent par recevoir leur notification écrite. Pour les DRC, France Vélo Tourisme et l’AF3V, toujours aucun courrier le 22 décembre. C’est finalement au retour de la trêve des confiseurs le 3 janvier que le courrier du chef de cabinet de Ségolène Royal confirme l’arrêt de la subvention 2016 aux DRC : joyeux Noël et bonne année ! Les travaux des DRC y sont qualifiés de visant à « promouvoir le tourisme à vélo » et le chef de cabinet suggère de « présenter de nouvelles propositions » qui seront examinées dans le cadre de l’élaboration d’un « nouveau plan d’action pour les mobilités actives ».

Uniquement du tourisme, le schéma national VVV ?

Le cabinet ignorerait-il donc à ce point son utilisation ? 90% de ses utilisateurs sont des habitants, pour leur parcours vers le travail ou l’école, leurs loisirs de proximité. Ces itinéraires sont les premiers lieux d’apprentissage du vélo pour les enfants. Ils sont les seuls à être sécurisés pour la pratique des seniors. Ils sont le meilleur outil d’aménagement du territoire au service de l’économie locale et du développement rural. Leurs sections en site propre enregistrent les plus hautes fréquentations vélo en milieu urbain… Ces itinéraires sont donc avant tout des outils de santé et de cadre de vie. Ils sont aussi les seules infrastructures de mobilité 100% décarbonée, celles dont l’air pollué français a tant besoin.

De nouvelles propositions pour un hypothétique plan d’action ?

Les DRC ont pris part à l’élaboration du « nouveau » plan mobilités actives, confiée au Conseil de la transition énergétique. Ils y ont consacré (gratuitement) de nombreux jours, allers-retours et toujours rien à l’horizon. Depuis 2004, c’est d’ailleurs le 4e plan auquel ils participent. Pourquoi celui-ci serait-il supérieur aux précédents, s’il ne reprend même pas un fondamental de toute politique nationale vélo digne de ce nom : celui d’un schéma structurant ? Là où l’Allemagne consacre 25€/habitant/an au vélo, l’Etat français stoppe ses modestes 60 000€ (0.1 centime/ habitant/an) de soutien à l’animation, au suivi et à la coordination de son schéma national. On marche sur la tête.

Imaginerait-on interrompre la construction d’une autoroute ou d’une LGV aux deux-tiers achevée ? Est-il raisonnable d’interrompre la coordination d’un schéma national de 21 000 km, réalisé à près de 60% au prétexte qu’il ne s’agit pas d’une « nouveauté » ? Les politiques publiques doivent s’inscrire dans la durée. Aménager la France à vélo de demain n’est pas un sprint, c’est une course de fond. Cela exige de la ténacité, un cap clair et la mobilisation de tous. Les DRC fédèrent les collectivités qui contribuent à l’aboutissement de ce grand projet national pour 2030. Le Ministère de l’Environnement, artisan de cette aventure depuis 1998, amputerait aujourd’hui leur capacité à aller de l’avant ? Cela n’a aucun sens.

Coup d’arrêt en pleine progression

Si les missions de coordination des DRC s’arrêtent, aucun organisme ne sera en mesure d’orienter, de suivre et d’accompagner les collectivités et l’Etat à cibler un investissement public efficace. Que représentent 60 000€/an au regard de cet enjeu majeur ? Quel service de l’Etat pourrait, à pareil coût, assurer un tel service ? Depuis 1998, les collectivités ont investi plus d’un milliard d’euros pour la réalisation de 12 700 km d’itinéraires existants du schéma national des véloroutes et voies vertes. Aujourd’hui, au prétexte que cela n’est pas « nouveau », le ministère coupe son soutien à cet outil d’aménagement du territoire et de mobilité de proximité !

Viendrait-il à l’idée du chef de cabinet de la ministre de faire payer la note du restaurant aux convives qu’il y aurait lui-même conviés ? Annoncer au terme de l’année encourue, des dépenses engagées et de l’action réalisée, que des financements ne seront pas versés, revient pourtant un peu à cela. Le projet 2016-2018 entre les DRC et le Ministère de l’Environnement a été formalisé en étroit partenariat. Cette 11e année de collaboration s’annonçait sous le sceau d’une confiance réciproque évidente. Aucune indication contraire, aucune réserve n’ont été émises. Aucune suggestion de recherche d’alternative n’a été formulée. A aucun moment. Un refus de subvention en juin 2016 aurait éventuellement permis de chercher des alternatives, de réorienter les travaux. Au 16 décembre 2016 – date officiellement inscrite en tête du courrier reçu le 3 janvier 2017 -, c’est évidemment impossible.

Ce que réclament les DRC

Eu égard à ses engagements passés et à l’utilité publique de la dynamique engagée ensemble depuis 2005, les DRC demandent à la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, de rattraper la situation, de manière rétroactive et sur le long terme et de conforter son soutien à Ia coordination du schéma national des véloroutes et voies vertes, selon le projet établi avec la Coordination interministérielle pour le développement de la marche et de l’usage du vélo*.


Contexte: Les Départements & Régions Cyclables travaillent en étroit partenariat avec le Ministère de l’Environnement depuis 2005. Cette coopération comprenant au départ la mise en œuvre et la coordination de l’Observatoire national des véloroutes et voies vertes, intègre progressivement les missions de centre national de coordination pour EuroVelo et l’appui aux itinéraires en développement. Suivre, rendre compte, stimuler, coordonner et représenter le schéma national des véloroutes et voies vertes sont des missions d’intérêt général qui collent à l’esprit de la circulaire de 2001. Fin 2014, avec la disparition de la mission nationale des véloroutes et voies vertes au sein du ministère de l’Environnement, l’implication des DRC s’avère encore plus indispensable. Ils deviennent alors le seul organisme à pouvoir assurer ces missions.

Chiffres: En janvier 2016, le schéma était réalisé à 58%, les EuroVelo en France à 70%, 625km d’itinéraires avaient été inaugurés partout en France et les DRC proposaient une vision des schémas régionaux dans leurs nouveaux périmètres. Fin 2016,les projets et le schéma national avancent grâce à l’engagement des territoires, à l’action militante sur le terrain de l’AF3V, et à la coordination nationale des DRC (qui dévoileront de nouveaux résultats prochainement).

*Le projet: La proposition 2016-2018 entre les DRC et le Ministère de l’Environnement prévoyait de :

  • Conduire les missions de Centre national de coordination pour EuroVelo : représenter et valoriser les itinéraires français au niveau européen,
  • Travailler à établir un centre de coordination du schéma national VVV français et actualiser le schéma national des véloroutes et voies vertes,
  • Renforcer la connaissance et l’information géographique de référence pour la promotion du schéma national des véloroutes et voies vertes et sa diffusion auprès des acteurs stratégiques.
  • Orienter et accompagner les collectivités et les services de l’Etat dans le développement des itinéraires véloroutes et voies vertes.

En savoir plus (dans l’ordre chronologique):

  • La lettre ouverte adressée à la Ministre de l’Environnement et à la Coordinatrice Interministérielle pour le développement de la marche et de l’usage du vélo par la FUB, l’AF3V, l’Heureux Cyclage, les DRC et France Vélo Tourisme – 8 décembre 2016
  • Le courrier de Bertrand Pancher (député-maire de la Meuse) adressé à la Ministre de l’Environnement – 14 décembre 2016
  • Le communiqué de presse des DRC et de France Vélo Tourisme pour demander au Gouvernement que des mesures de rattrapage soient engagées dès janvier 2017 – 16 décembre 2016
  • Le courrier du chef de cabinet de Ségolène Royal confirmant l’arrêt de la subvention 2016 aux DRC – 16 décembre 2016
  • L’article de Vélogik sur ce sujet – 21 décembre 2016
  • Réponse de la Ministre de l’Environnement aux parlementaires de la Haute Savoie – 26 décembre 2016
  • Le courrier adressé au Président de la République, au Premier Ministre et à la Ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer – 9 janvier 2017
  • Le courrier de l’Aisne adressé à la Ministre de l’Environnement – 24 janvier 2017
  • Le courrier de la Haute-Saône adressé à la Ministre de l’Environnement – 03 février 2017
  • Le courrier de soutien de Maine-et-Loire – 07 février 2017

Ecoutez l’émission de « Tout Un Rayon » sur ce sujet

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