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Markus Capirone

En bref : suisse, né en 1955. 1972-1978 : école des Beaux-Arts de Bâle. 1978-1990 : artiste-peintre.  1990 : fondation de Velobüro. 1990-1993 : réalisation des “Chemins soleurois de randonnées cyclables“. 1994-1998 : réalisation de “La Suisse à vélo“. 1999-2003 : participation aux projets “Human powered Mobility“ et “SlowUp“ pour l’exposition nationale suisse “Expo.02“. 1999-2008 : collaboration à “SuisseMobile“. 1977-2009 : 80 000 km de voyages à vélo dans 25 pays d’Europe.


  • D’où vous vient votre foi dans le vélo ?

Jeune artiste-peintre, j’ai entrepris mon premier voyage à vélo en 1977 avec un ami proche, en Camargue naturellement, d’Orange aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Je voulais m’arrêter tous les quelques kilomètres afin de croquer une esquisse du paysage. Mon ami en est devenu presque désespéré. A cette occasion, j’ai pour la première fois ressenti la qualité du voyage à vélo, ce glissement en silence dans de vastes paysages. Avec les années, cette découverte est devenue une passion qui a finalement mené à la fondation de Velobüro.

  • Faut-il voyager loin pour comprendre l’enjeu des modes de déplacement doux près de chez soi ?

La réponse est “non“, malgré mes nombreux voyages à vélo à travers l’Europe, en tout plus de 80 000 km dont environ 20 000 en France. Au cours d’un petit voyage, déjà, l’étincelle peut jaillir. Il est d’ailleurs avantageux de prévoir lors d’un premier voyage une ou deux nuitées, car le voyage à vélo comporte toujours aussi l’arrivée dans un lieu étranger, un délicieux repas et une bonne bouteille de vin. Ainsi, d’étape en étape, on jouit du voyage dans toute sa plénitude et l’on perçoit la distance que l’on peut atteindre par sa propre force en quelques jours.

  • Velobüro est basé à Olten, qui est un carrefour ferroviaire central en Suisse. Ce choix confère-t-il un poids symbolique plus fort à vos actes en matière de vélo ? La cause du vélo doit-elle insister davantage sur les symboles ?

Non, que ce soit pour les voyages ou pour les déplacements quotidiens, le vélo n’a pas besoin de symboles mais de bonnes infrastructures convenant à sa pratique, ainsi que de relations agréables avec les autres usagers de la route. Il faut absolument veiller à ce que le vélo soit considéré comme un moyen de transport à part entière qui, comme les autres, mène à destination sûrement et confortablement. Ceci implique que le vélo, à l’intérieur des localités, devrait en principe utiliser la même chaussée que le trafic motorisé. Pour améliorer la sécurité des cyclistes, des mesures appropriées devraient être prises, telles que des bandes cyclables larges d’au moins 1,5 m et une limitation des vitesses, par exemple à 30 km/h. A l’extérieur des localités, des pistes cyclables séparées de la chaussée motorisée peuvent être réalisées, pour autant que leur longueur sans aucun carrefour atteigne au moins 3 km et que leurs deux extrémités satisfassent aux exigences de sécurité. Ceci vaut en particulier pour les itinéraires à caractère touristique, qui devraient emprunter des routes avec peu ou pas de trafic motorisé. Il faut en plus une signalisation continue qui ne s’interrompe pas non plus dans les villes.
Mes expériences de ces trente dernières années lors de voyages à vélo en France montrent que les choses ont bien changé en faveur du vélo, particulièrement ces dernières années. J’ai pu le constater à mon avantage l’an dernier, lors de mon voyage sur l’Eurovelo 6 “Atlantique / mer Noire“ entre St-Nazaire et Bâle. J’ai été impressionné par les nombreuses pistes cyclables nouvelles le long de la Loire et des canaux. Néanmoins j’ai aussi rencontré quelques mauvais exemples dans des zones urbanisées, où des cheminements cyclables séparés de la chaussée normale ne permettent pas d’avancer en toute sécurité. Je fais cependant confiance aux connaissances techniques des autorités et des concepteurs. Je suis convaincu que de tels mauvais exemples resteront des exceptions d’un développement globalement très positif des infrastructures cyclables en France.

  • Velobüro incarne aujourd’hui une sorte de modèle européen. Comment le vivez-vous au quotidien ?

En général, je m’efforce d’éviter les déplacements. C’est avant tout une question d’organisation personnelle. J’effectue à vélo, allongé souvent sur mon tricycle, à pied ou en transports publics, les déplacements que je ne peux pas éviter. Mais la meilleure solution est toujours pour moi d’éviter un déplacement, sauf bien sûr lors de voyages où la voie est le but.

  • En matière de sensibilisation au vélo, la volonté et l’écoute politiques sont-elles inversement proportionnelles à la superficie du pays ?

C’est peut-être un avantage lorsqu’un pays est petit, parce que les déplacements nécessaires à l’organisation sont un peu plus courts. La Suisse se compose de 26 cantons et il a fallu convaincre chacun d’eux de l’utilité de “La Suisse à vélo“. La France a 22 régions… les perspectives sont ainsi bonnes.

  • Quel regard portez-vous sur les itinéraires français ?

La France est un pays idéal pour voyager à vélo. Les paysages sont divers et attrayants, les villes magnifiques, la cuisine légendaire. Rien ne manque de ce qu’il faut pour voyager avec plaisir. La France n’utilise cependant qu’à peine ce grand potentiel touristique du vélo, et surtout sans conception globale. Les informations pour voyager à vélo sont actuellement aussi très incomplètes voire inexistantes. Il manque un réseau d’ordre supérieur desservant toutes les régions de France par des itinéraires balisés pour le tourisme à vélo, avec des informations
complètes facilement accessibles sur Internet. Si la France comble cette lacune de son offre touristique avec une qualité élevée, elle pourra se placer comme l’un des principaux pays au sein du marché croissant des voyages à vélo en Europe. J’en serai aussi personnellement fort réjoui.

Pour en savoir plus : www.velobuero.ch / www.suissemobile.ch / www.slowup.ch

Propos recueillis par Anthony Diao

Vélo & Territoires, la revue