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Richard Weston

Docteur en économie et chercheur à l’Institut du transport et du tourisme de l’University of Central Lancashire dans le nord de l’Angleterre, Richard Weston est le principal rédacteur de l’étude sur le réseau EuroVelo, commandée en 2009 par le Parlement européen et actualisée en 2012.

  • Dans la notice de présentation de l’University of Central Lancashire, il est écrit que vous avez travaillé dix ans dans l’industrie automobile. Comment êtes-vous venu vers le vélo ?

J’ai quitté l’industrie automobile il y a seize ans. C’était juste après le décès de mon père. J’ai réalisé que la vie était trop courte pour se contenter de la regarder passer à travers les vitres d’un showroom. De là, je me suis cherché – ou perdu, comme vous voulez – pendant un an. Et puis je suis tombé sur une petite annonce dans un journal local. Il était question d’un diplôme universitaire en économie. Deux semaines après j’étais en cours ! Assez rapidement, j’ai compris que la vie universitaire me plaisait. J’ai donc décidé de continuer après l’obtention de mon diplôme. J’ai consacré les quatre années suivantes à la recherche pour mon doctorat. Et c’est suite  à une conversation avec un de mes vieux tuteurs que j’en suis arrivé à travailler sur l’EuroVelo 12 – il s’agissait de mon premier travail académique.

  • Vous étiez déjà sensibilisé à la question du vélo ?

Je pédale depuis l’âge de cinq ans. À cette époque mes parents se mettaient chacun à une extrémité de notre jardin et me poussaient à tour de rôle jusqu’à ce que je me tienne en équilibre… Ceci étant, je n’avais jamais eu le projet de faire carrière dans le vélo. Je me sens aujourd’hui privilégié de travailler pour une cause aussi dynamique.

  • Comment en êtes-vous venu à participer à cette étude avec le Parlement européen ?

Notre institut de recherche, l’Institut de transport et de tourisme, a été invité à participer dès le lancement de cette étude, en 2008, en raison de sa connaissance du terrain. A titre d’exemple, mon collègue Les Lumsdon travaille sur ces questions depuis 25 ans, et notre institut a réalisé plus d’une vingtaine d’études de ce type depuis que j’y suis entré, en 2004. Pour autant, nous étions conscients d’être originaires d’un pays que beaucoup perçoivent comme “non-cycliste”. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de travailler avec un autre partenaire européen. Et comme nous avions par le passé déjà travaillé avec Paul Peeters du Centre pour un tourisme et des transports durables pour la chaîne NHTV aux Pays-Bas, c’est naturellement que nous nous sommes tournés vers eux afin d’unir nos forces et de compléter notre étude.

Combien de temps avez-vous travaillé dessus ?

L’étude de départ nous a demandé un peu plus de six mois, tandis que la version augmentée a été complétée beaucoup plus rapidement. Nous sommes aujourd’hui à la tête d’un consortium d’experts européens du tourisme engagés auprès de la commission Transports et Tourisme du Parlement européen. Notre première mission a été d’actualiser le rapport de 2009, avec l’aval des auteurs bien entendu. Nous avions trois mois pour mener ce travail à bien – ce qui est très court pour un universitaire !

  • A-t-il été facile de récolter les informations ?

Pour être honnête, non. Il existe objectivement peu de données sur lesquelles s’appuyer en matière de tourisme à vélo, et ce même dans les pays où le vélo est a priori bien pris en compte. Et  lorsque ces données existent, elles sont d’autant plus disparates qu’elles ont souvent été collectées avec des objectifs différents. Cela les rend très difficiles à hiérarchiser et à comparer. Je sais que les DRC encouragent leurs adhérents à fournir leurs données afin de créer un Observatoire national, et je ne peux qu’appuyer cette initiative. Cela facilitera certainement les choses au moment d’interpeler les politiques sur ce sujet… De la même manière, je milite auprès de mes collègues européens pour créer le même type d’observatoire à l’échelle européenne. Il y a là matière à une formidable base de données à laquelle s’adosser pour étoffer nos arguments et poursuivre la recherche.

  • Quelles différences existe-t-il entre les versions 2009 et 2012 de cette étude ?

Trois années, c’est peut-être un peu court pour observer des changements significatifs. Bien sûr il y a eu un soutien aux travaux préparatoires de la commission européenne pour le développement de l’EuroVelo 13 et de l’EuroVelo 3. Ceci étant, l’essentiel pour moi reste le changement global des mentalités au niveau mondial autour de la question du vélo. En 2009, les experts européens du vélo que nous avions sondés pensaient que le développement des politiques cyclables était statique. Aujourd’hui les mêmes nous disent que cette thématique a désormais le vent en poupe. Malgré les problèmes économiques que connaît actuellement l’Europe, l’heure est à l’optimisme concernant la problématique vélo. Qu’il s’agisse de l’échelle locale, régionale, nationale ou internationale, tous les projets peuvent témoigner de ce changement d’attitude… Nous avons également observé un essor des vacances à vélo, tant du point de vue des structures mises en place que des destinations proposées.

  • Quels sont selon vous les principaux enjeux aujourd’hui pour le réseau EuroVelo ?

Le réseau EuroVelo est un beau concept. Il redonne la foi à ceux qui avaient abandonné le vélo par lassitude. Savoir que depuis Paris vous pouvez rallier par une seule et même route Trondheim en Norvège ou Saint-Jacques-de-Compostelle en Espagne, c’est stimulant. Quand bien même la plupart n’iront pas jusqu’au bout de ces itinéraires-là, en soi savoir qu’ils existent est déjà une satisfaction. C’est tout le charme de ce concept : s’embarquer sur une route locale et au fur et à mesure des kilomètres, prendre conscience qu’elle peut devenir régionale, nationale, voire internationale !
L’objectif aujourd’hui est d’achever l’aménagement de ces itinéraires, avec autant de sites propres que possible. Je sais qu’à l’ECF Adam et Ed travaillent en étroite collaboration avec les coordinateurs nationaux afin de mener ces projets à bien, et ce malgré un budget serré. C’est la raison pour laquelle nous souhaiterions que le réseau soit incorporé dans le programme RTE-T. Une fois que cela sera fait, la phase de marketing pourra sérieusement démarrer. Imaginez ce que cela fera pour un Français de pédaler dans sa rue et de voir un panneau indiquant … Rome !

  • Vous avez participé aux 16es Rencontres annuelles des DRC cet automne à Nantes.  Qu’en avez-vous pensé ?

J’ai énormément apprécié cet événement. Voir un tel effort et l’impact qu’il a sur les collectivités auxquelles il s’adresse était une expérience formidable. Pour tout vous dire, je suis très jaloux qu’une telle chose n’existe pas en Grande-Bretagne ! Circuler à vélo reste chez nous une activité de niche, bien que quelques municipalités commencent à se pencher sur la question – mais cela reste souvent et avant tout une affaire de personnes… Améliorer les Rencontres des DRC ? Je ne suis pas sûr que ce soit possible. En tant qu’Anglais, j’ai juste été agréablement surpris par les longs et copieux repas. Cela m’a changé du sandwich que je mange d’habitude au-dessus du clavier de mon ordinateur !

Propos recueillis par Anthony Diao

Vélo & Territoires, la revue