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Lenore Skenazy

Extrait de Vélo & Territoires 33

Diplômée de Yale, cette Américaine de 53 ans a publié une chronique en avril 2008 dans feu le New York Sun. Elle y racontait pourquoi elle avait laissé son fils de 9 ans prendre seul le métro de New York. La tempête médiatique qui s’en est suivie l’a conduite à affuter ses argu-ments dans le blog Free Range Kids et dans un livre du même nom, ainsi qu’à animer de mul-tiples conférences et un show TV intitulé La pire maman du monde. Son credo ? Comment élever en toute sécurité des enfants autonomes sans crever d’inquiétude.

• Quel regard portez-vous sur l’autonomie des enfants en termes de déplacements ?
Aux Etats-Unis, tout est potentiellement dangereux pour les enfants. Seulement 11 % des enfants américains vont à l’école en marchant. C’est un chiffre insensé ! Le pire, c’est à la sortie. Vous avez devant certains établissements une rangée de voitures qui attend en double file dans la rue avec les warnings. A chaque voiture correspond le numéro d’un enfant. Un agent équipé d’un talkie-walkie s’arrête devant chaque véhicule et appelle à tour de rôle les enfants dont le numéro correspond… Nous marchons sur la tête !

• D’où vient, selon vous, cette frilosité ?
Chaque jour il nous est martelé que le monde dans lequel nous vivons est plus violent et plus dangereux qu’avant. C’est faux ! Si vous regardez les statistiques, nous sommes revenus aux chiffres de 1906. Or la violence et la peur sont deux notions qui s’impriment dans le cerveau. Une étude a ainsi révélé que le passage en boucle des images du 11-Septembre est perçu par notre inconscient comme si les crashes se produisaient pour la première fois à chaque visionnage.
Notre cerveau fonctionne comme le moteur de recherche de Google. Lorsque vous tapez vos mots-clés, les premières occurrences qui se présentent à vous sont celles reliées à des faits divers. Les faits divers sont aujourd’hui les piliers de notre information et donc de l’évolution de notre cerveau… et donc de nos comportements.
Il y a là une vraie question de société. Pourquoi ne montrer que le danger, la peur ? La vie est une aventure. Demandez au milliardaire Richard Branson, que sa mère avait fait descendre de voiture à 4 ans pour qu’il retrouve à pied le chemin de sa maison… Qu’est-ce qu’une vie où vous finissez par avoir peur de votre propre ombre ? Nous en sommes au téléphone GPS pour savoir où se trouve notre enfant…

• Pensez-vous qu’une génération suffira pour inverser cette tendance ?
Je le pense, oui. J’y crois d’autant que je constate que les choses ont déjà commencé à changer. Les gens ouvrent les yeux. Ils s’aperçoivent que quelque chose cloche. Nous sommes dans l’excès en matière de protection mais je reste optimiste. Historiquement et culturellement, nous les Américains avons souvent préféré la réaction à l’action. Nous allons réagir et d’ailleurs nous avons commencé à réagir.

• A quel niveau ?
Je pense à des campagnes comme “Let’s move!“ avec Michelle Obama, avec, en particulier, cette publicité où une fille de 11 ans demande un dollar à sa mère depuis l’étage de la maison. Sa mère, qui est en bas dans la cuisine, repère son porte-monnaie sur la table mais l’invite, avant de le lui dire, à monter et descendre les escaliers pour aller chercher dans chacune des autres pièces de la maison. Certes il y a à redire sur cette pédagogie par le (pieux) mensonge, mais la prise de conscience est là. La prochaine étape serait de sortir ces enfants des jupons de leurs parents pour les inviter à aller pédaler une heure dehors !

• Justement, comment s’inscrit le vélo dans cette démarche ?
Avec plus de vélo, il y aura moins d’enfants hyperactifs, obèses, déprimés ou anxieux. Surtout les gens auront davantage confiance en eux, tant les enfants que leurs parents. La confiance et l’autonomie, ça se transmet.

Le site de Lenore Skenazy : www.freerangekids.com

Propos recueillis par A. D.

Vélo & Territoires, la revue