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La Réunion

Extrait de Vélo & Territoires 36

Elle fut, avec la Picardie, l’une des premières régions à justifier le “R” des DRC. Dotée d’un Plan vélo depuis mai dernier, La Réunion décline, à 9 000 km de Paris, le Plan national. Des actions ambitieuses pour valoriser la pratique, sous toutes ses formes, et infléchir sa politique de déplacements.

Interview de Fabienne Couapel-Sauret

Vice-présidente du conseil régional de La Réunion, déléguée aux Transports, aux Déplacements et au Trans Eco Express

Quelles étapes ont conduit au séminaire de lancement du 23 mai dernier à Saint-Denis ? *

La Région Réunion – dont l’implication pour promouvoir le vélo depuis 2010 est reconnue – a réalisé une étude globale à l’échelle du territoire. Cette étude s’inscrit dans le prolongement du Plan national vélo. Elle vise à faire du vélo un véritable outil d’aménagement et de mobilité, en incitant à la pratique sous toutes ses formes : utilitaire, touristique et sportive. Le Plan vélo piloté par la Région a été élaboré par l’ensemble des partenaires institutionnels, associatifs et sportifs. Il a permis de définir un diagnostic, quatre grandes orientations stratégiques et enfin un plan d’action. L’enjeu du séminaire du 23 mai était donc de réunir l’ensemble des partenaires et de communiquer au grand public le plan d’actions en présence d’experts.

Quel bilan en tirez-vous ?

Le bilan est réellement positif. La mobilisation a été forte et les 20 actions emportent l’adhésion. Il s’agit de créer des aménagements sécurisés, continus et lisibles comme les boucles urbaines et les
boucles de loisir, mais aussi de déployer une offre de services coordonnés. Il s’agit enfin de promouvoir le vélo dans un but de développement économique et touristique.

Quelles sont les spécificités territoriales à connaître pour bien appréhender les enjeux de la mise en place du Plan régional vélo ?

La Réunion est un territoire insulaire classé au Patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco. Son relief est caractérisé par une bande littorale ainsi que par un cheminement plus escarpé sur ses hauteurs. La pratique sportive du vélo est déjà bien développée et de nombreuses courses et manifestations sportives sont organisées chaque année. Il est essentiel de sensibiliser toutes les collectivités pour faire du vélo un outil d’aménagement mais aussi de développement économique, avec la valorisation de métiers existants et la création de nouvelles filières. La cohérence et la cohésion sont revendiquées par l’ensemble des partenaires. Chef de file, la Région met en place un cadre d’aides financières pour permettre aux communes et intercommunalités de bénéficier de fonds régionaux et européens et de décliner les actions qui sont conformes au PRV.

Que représente pour La Réunion l’inscription à une dynamique telle que celle des DRC ?

La Réunion est une destination touristique et sportive où la pratique du vélo se fait toute l’année. Elle n’est pas assez valorisée, comme d’ailleurs la plupart des outre-mer. Adhérer aux DRC permet de mieux faire connaître les atouts de La Réunion et d’échanger avec les autres membres sur les bonnes pratiques toute l’année et particulièrement lors de la rencontre annuelle. Les DRC sont un excellent relais auprès des instances nationales et européennes.

Le chemin à parcourir pour mener à bien ce projet vous paraît-il plus ardu que celui qui a déjà été parcouru pour en arriver là ?

Au contraire ! Le fait d’avoir fédéré l’ensemble des partenaires est une première à La Réunion. Cela va multiplier l’énergie et les intelligences pour faire de La Réunion une île cyclable. Les collectivités
comprennent mieux désormais l’intérêt d’aménager les cités autour des modes doux et du transport en commun pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. La Région a une vision d’ensemble. À travers le Schéma régional des infrastructures de transport, elle propose une offre intermodale de transports où le vélo détient une place incontournable avec les transports collectifs comme le TEE (Trans Eco Express). En outre la décision en 2010 de réaliser la Voie vélo régionale (VVR), un linéaire de bandes et pistes cyclables de 220 km faisant le tour de l’île et dont le taux de réalisation avoisine plus de 90 km, a entraîné une prise de conscience de cette politique volontariste portée par la Région. Elle est incitative.

Et vous ? Trouvez-vous vous-même le temps de pratiquer le vélo ?

Je pratique régulièrement le vélo comme mode de déplacement. J’utilise un VAE ce qui me permet de limiter les contraintes dues aux pentes et aux routes escarpées. En outre la pratique du vélo permet de réaliser des économies. Le poste déplacement est en effet important dans le budget des familles. Enfin, avoir pour cadre l’océan Indien, la montagne et un climat agréable presque toute l’année, je dois dire que ce n’est que du bonheur.

Interview de Jean-Claude Futhazar

Directeur général adjoint au Développement durable du conseil régional de La Réunion

Le Plan régional vélo répondait-il à une demande des administrés ou s’agit-il d’une volonté régionale ?

La volonté régionale n’est que le reflet de l’attente des administrés, et le Plan régional vélo vise à mieux coordonner les actions des différentes collectivités. Force est de constater que dans les communes où des pistes ont été aménagées, la pratique du vélo est très importante. Depuis 2010, la Région a pris l’initiative de fermer sur 20 km une 2×2 voies un dimanche dans l’ouest. Le but est de proposer aux usagers une route libre pour les modes doux. Cette manifes-tation attire entre 10 000 et 20 000 personnes chaque année. Elle montre l’attente forte des usagers de disposer de sites sécurisés pour la pratique du vélo ou de la marche.

Quelles sont les grandes lignes de ce plan ?

Le Plan régional vélo se décline selon quatre orientations stratégiques. Nous souhaitons tout d’abord coordonner de manière plus efficace l’action des collectivités afin d’arrêter d’agir au coup par coup, tout en proposant aux usagers une démarche cohérente de développement de l’offre vélo et des services associés. Cette coordination va se mettre en place à travers une nouvelle gouvernance à l’initiative de la Région dans ce secteur, avec la tenue chaque année d’un séminaire vélo permettant de faire un point d’étape dans l’avancement du plan d’actions. La deuxième orientation consiste à élaborer un SDIC (Schéma directeur des itinéraires cyclables) qui a vocation
à décliner l’offre globale de la Voie vélo régionale sur le littoral mais aussi à l’intérieur de l’île ainsi que dans les centres urbains. Le SDIC va préciser sur la prochaine période 2015-2020 les principaux aménagements qui seront réalisés en concertation avec toutes les collectivités à travers cinq boucles urbaines et cinq boucles de loisirs bien réparties sur le territoire, pour améliorer l’offre à la disposition des usagers. La Région a prévu, au prochain programme européen du Feder, une
ligne de financement pour soutenir ces projets.

Quid de la troisième orientation ?

Nous souhaitons accompagner le développement de l’offre de services et de produits en complément des infrastructures. Ceci permettra à la dimension économique de ne pas être oubliée, car elle est créatrice d’activités et d’emplois.

Qu’en est-il de la partie communication ?

C’est l’objet de notre point quatre : “Communiquer et sensibiliser à la pratique du vélo”. Cela concerne d’abord le milieu scolaire – écoles, collèges et lycées – pour inciter les jeunes à se rendre à vélo à l’école, mais aussi avec des manifestations grand public comme l’opération “route libre”. Le séminaire vélo, qui vient d’être programmé avec une journée grand public un samedi pour sensibiliser les usagers, entre aussi dans le cadre de ces actions. Les clubs sportifs ainsi que les associations organisent de nombreuses manifestations toute l’année.

Quels sont les atouts et les handicaps du territoire réunionnais ?

Les atouts sont d’abord une population jeune – plus de 220 000 personnes sont en milieu scolaire ou étudiant – et un climat favorable à la pratique du vélo toute l’année. Les handicaps sont au nombre de deux. Il y a, d’une part, l’insuffisance globale de routes. Si nous le comparons avec la métropole, l’ensemble du réseau routier national, départemental et communal est inférieur de 50 % par rapport au nombre d’habitants. Et il y a, d’autre part, le relief, puisque beaucoup de côtes et de pentes rendent la pratique assez sportive. Du fait de ces contraintes, le vélo à assistance électrique est bien adapté à notre territoire.

Combien de kilomètres sont aménagés à ce jour ?

La Voie vélo régionale réalisée par le Conseil régional doit faire une “boucle” de 220 km autour de l’île. 90 km sont actuellement en service et 30 km environ sont à l’étude pour une réalisation à moyen terme. En zone urbaine, quelques villes ont réalisé des pistes cyclables mais l’offre n’est pas encore suffisante, sans compter l’absence de parkings sécurisés pour cette pratique. Dans les hauts de l’île, environ 100 km de pistes VTT sont en service.

Combien de kilomètres sont visés à terme ?

Pour la période 2014-2020, la prochaine contractualisation avec l’État et l’Europe prévoit environ 30 km de Voie vélo régionale, cinq boucles urbaines représentant environ 50 km de voie financée, cinq boucles de loisirs représentant environ 50 km de voie financés, et 10 km en accompagnement de pistes forestières. Cette offre sera complétée avec les 30 km de voies réservées aux bus, mais aussi ouvertes à la pratique du vélo. A long terme, il faudra réaliser le bouclage de l’île avec la Voie vélo régionale sur 220 km et disposer dans les 24 communes de pistes cyclables pour les déplacements urbains. Il reste donc encore de nombreux aménagements à réaliser.

Quel est le public visé par ces aménagements ?

En ville, ces aménagements concernent principalement la population locale et les jeunes pour les trajets domicile-travail ou domicile-école. Pour la Voie vélo régionale et les boucles de loisirs, c’est d’abord pour une pratique de loisirs ou des trajets domicile-travail pour les sportifs, et également la clientèle touristique.

S’agit-il de sites propres ou partagés ?

Lorsque cela est possible, ce sont des sites propres. Les bandes cyclables ne sont retenues que si l’emprise ne permet pas de faire de sites propres. Sur les 90 km de la VVR, 40 sont ainsi en sites propres.

Quels sont les revêtements choisis ? La signalétique ?

En général il s’agit d’enrobés où les bandes cyclables sont de couleur. Dans le cadre du Plan régional vélo, une nouvelle signalétique est proposée aux collectivités pour informer les usagers.

Quel budget ce plan représente-t-il ?

Pour sa mise en oeuvre sur la prochaine contractualisation 2014-2020, le budget se répartit comme suit : 10 millions d’euros du Feder sont réservés pour ces aménagements ; la Région consacre chaque année environ 4 millions d’euros pour les aménagements cyclables, soit 20 millions d’euros entre 2015 et 2020 ; enfin certaines communes volontaires pour réaliser les boucles urbaines et certains EPCI vont compléter les financements pour réaliser ces aménagements. Au total, entre 30 et 50 millions d’euros seront mobilisés entre 2015 et 2020.

Quel rôle justement jouent les communes et les EPCI ?

Lors de l’élaboration du Plan régional vélo, 20 des 24 communes étaient présentes et sensibilisées pour développer l’offre de vélo sur leur territoire. Quant aux cinq EPCI de l’île, toutes souhaitent développer une offre. D’où le choix de proposer cinq boucles de loisirs dans le cadre du Plan régional vélo, à décliner dans chaque EPCI.

Quelles sont les échéances les plus immédiates ?

Après la large concertation réalisée pour élaborer le Plan régional vélo, il s’agit maintenant de le rendre opérationnel avec une consultation officielle des 24 communes et des cinq EPCI pour choisir les cinq boucles de loisirs qui seront financées par le Feder à partir du second semestre 2014. Nous envisageons ensuite de faire approuver ce PRV en assemblée plénière du Conseil régional avant la fin de l’année. Nous pourrons alors procéder à sa mise en oeuvre avec un groupe technique associant les communes et les EPCI , ainsi qu’avec un séminaire vélo annuel pour faire un point d’étape sur sa mise en oeuvre.

Et vous, trouvez-vous le temps de pédaler ?

Oui, essentiellement le week-end pour faire de petites courses en ville mais aussi des boucles de loisirs. En revanche je ne prends pas le vélo pour aller travailler, car mon trajet domicile-travail représente 40 km de route à faire chaque jour !

Propos recueillis par A. D.

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